A l’occasion de la 58ème biennale d’Art de Venise trois artistes représentant la Lituanie une écrivain/poétesse, une scénographe et une musicienne/compositeur présentent un opéra-performance Sun & Sea.
Le trio n’en est pas à son coup d’essai puisque cette œuvre succède à un premier opéra Have a good day réalisé en 2013.
Il s’agit donc d’une performance chantée.
Dans une sorte de friche industrielle comme il y en a beaucoup à la Biennale de Venise, nous montons au premier étage d’un bâtiment à travers un escalier étroit. Déjà nous parviennent de la musique et des voix de chanteurs lyriques. A l’étage, Nous nous retrouvons dans la pénombre, un univers de briques nues, de murs bruts, un espace vide, à l’abandon, avec une trouée carrée au centre, une balconnade qui nous permet d’observer la scène du rez-de-chaussée. C’est comme une sorte de théâtre à l’envers où le public serait penché pour regarder la fosse où se déroule le spectacle. En bas, par contre, tout est couleurs vives et contrastées, lumière, légèreté : la plage, le sable, des serviettes de bain étalées, des gens en maillot ou en short, allongés paresseusement, oisivement, en train de lire, de discuter, de se livrer à des activités ludiques et superficielles comme celles que l’on peut pratiquer à la plage, jouer au ballon, lire le journal ou faire des mots croisés, prendre un bain de soleil etc. Il se dégage une atmosphère de bien-être, un peu comme dans les publicités, où tout le monde est joliment habillé, où tout est harmonie, où les visages et les corps sont sains, souriants et détendus. C’est un peu l’image publicitaire des revues de mode. Mais il y a plus qu’un simple effet visuel, on s’aperçoit vite que les participants sont pourvus de minuscules micros transparents et chantent à deux ou trois voix, les uns après les autres, sans cesser leur activité de plage, ils chantent l’air de rien pourrait-on dire, ils chantent distraitement, d’une façon anodine ; la musique aussi est assortie, elle cadre totalement avec le décor, elle rappelle Philip Glass, c’est le même type de voix, de rythmiques, de phrases répétitives. Pas de doute cela fait un certain effet sur les spectateurs qui se laissent prendre par la facilité … car au fond c’est un produit de consommation facile, comme manger une glace, ou boire du sirop d’orgeat, d’autres diront un cornet de frittes, non, non c’est trop lourd et trop gras, disons plutôt un fruit, une banane par exemple. Le spectateur n’a pas envie de sortir de cet univers « de rêve » superficiel, certes, mais tellement agréable… en faisant un petit effort, en mettant quelques œillères, reconnaissable comme étant le nôtre au fond, à la fois familier, rassurant. Je ne peux m’empêcher un parallèle avec Second Life, cet univers virtuel dans lequel des milliers de gens se laissaient happer par la perspective d’une autre réalité dans laquelle ils étaient libres de construire leur image, leur environnement, leur habitation afin d’avoir la sensation d’une vie choisie pleinement satisfaisante. C’est aussi ce qu’a mis en scène le photographe allemand Frank Herfort dans des séries comme Fairy Tales of Russia. La coexistence de deux mondes antithétiques, ou plutôt l’impossible rencontre de deux mondes.
Reste à savoir de quel côté nous sommes réellement.

Sun & Sea
Rugilé Barzdziukaité, Vaiva Grainyté, Lina Lapelyté.