Faire « mousser » une œuvre, quelle qu’elle soit, consiste à lui donner une importance qu’elle n’avait pas au départ. L’enjoliver pourrait-on dire, par tout une stratégie d’embellissement propre à faire passer des vessies pour des lanternes. D’emballage aussi, tant le mot emballage est proche d’embellissement. Emballer comme embellir. Embellir une œuvre, quelle qu’elle soit, consiste à lui donner une importance qu’elle n’avait pas au départ. Lui donner du brillant, du relief, de la patine, du temps, de l’argent. La soumettre au jeu de la valeur, lui adjoindre de la valeur, lui rajouter de la valeur. Parfois la valeur lui est donnée par le lieu où l’œuvre est installée, montrée, exposée, sachant que le lieu lui-même est aussi une valeur en soi de par son excellence à vouloir/savoir emballer l’œuvre pour mieux l’embellir. Si ce n’est le lieu ce peut être aussi parfois et souvent la signature d’un commissaire d’exposition dont la réputation ne fait pas l’ombre d’un doute, le doute en lui-même étant parfois déjà embelli et emballé par des instances bien en place. En ce cas pourrait-on dire qu’une œuvre « moussée » aurait à voir avec quelque chose qui serait de l’ordre de l’imposture ? Comme le dit l’historien d’art Thierry Lenain dans une conférence en forme de performance sur la problématique du faux et de l’authenticité dans l’art  (*) « il y a une certaine forme de falsification potentielle inhérente au monde de l’art dans son ensemble, à laquelle participent tous les acteurs de ce milieu : artistes établis, critiques en vue, institutions, marchands, courtiers, collectionneurs spéculateurs, etc. » et plus loin « une des propriétés fondamentales du monde de l’art, celle qui consiste à manipuler la perception de la grandeur relative des œuvres et des artistes, par divers procédés de distorsion, via les médias et autres moyens de communication (musées, revues d’art, etc.)… l’idée n’est pas de nier qu’il existe de grandes œuvres et de moins grandes, de grands artistes et de moins grands, mais d’attirer l’attention sur le fait que l’on peut provoquer artificiellement des effets de grandeur et qu’en tout état de cause, l’importance n’apparait jamais sans un système de médiation sur lequel il est possible de jouer pour faire voir les choses d’une certaine manière. »
La réserve de ma consœur dans son article sur l’artiste Hiwa K de ce mois-ci à propos de la vidéo intitulée Blind as the mother tongue est complètement justifiée je trouve, sachant que ce document appelé injustement œuvre n’est qu’un document approximatif relatant les élucubrations d’une personne qui se baptise artiste pour mieux faire passer la couleuvre… Baladez-vous cinq minutes sur les bords d’une route ou dans un sous-bois avec une tige sur le nez en équilibre avec des rétroviseurs bricolés accrochés à cette tige,  vous dites que vous avez fui inopinément votre terre maternelle et que vous en faites un revival, que ce revival est l’œuvre de votre vie, vous filmez le tout à l’arrache, vous mettez un copain commissaire d’exposition dans le coup qui fera mousser le truc, et le tour est joué !

* Catalogue MUSÉES POUR CIBLE 2018 (Musée des Arts Contemporains au Grand-Hornu/Collection Dits, Bruxelles)