(traduction de la brochure de présentation du pavillon de l’Estonie à l’occasion de la 16ème Biennale Internationale d’Architecture à Venise)

« En Estonie, la notion usuelle de monument apparaît comme quelque chose d’étranger.
Sa présence est marginale et sa tradition inexistante. La statue sur la place publique n’a jamais revendiqué de position centrale telle que nous la connaissons en Europe occidentale.
Ce vide sémantique attire l’attention sur d’autres architectures moins exceptionnelles. Parfois quelques escaliers ou même un trottoir ou un bout de rue révèlent de manière symbolique un lien avec l’histoire.
A la place d’une signification explicite inscrite dans le marbre ou le bronze, une charge politique implicite peut être révélée. Si ces significations sont plus faibles, minimales dirons-nous, alors elles n’en sont que plus pertinentes, car ce qui est apparemment implicite ne peut être ouvertement contesté. Cette dimension minimale du monument explore le spectre entre la représentation explicite du monument en lui-même et la politique implicite des architectures quotidiennes : de la colonne triomphale au trottoir en dessous, en passant par tout ce qui est entre les deux.
Où s’arrête le monument et où commence le pavement ?
Une installation transforme l’ancienne église baroque de Santa Maria Ausiliatrice : un trottoir de béton et un mur interrompent la hiérarchie monumentale de l’église et divisent l’espace en deux. Le visiteur est invité à marcher sur cet espace aménagé en trottoir et à le traverser. »

Dans l’espace d’exposition, c’est à dire l’église dé-consacrée de Santa Maria Ausiliatrice, sur le côté, un simple banc public nous invite à nous assoir. Sur ce banc, est posé une brochure décrivant l’installation en question (traduction ci-dessus).
Il me semble ici que cette brochure devient par conséquent le monument en soi, puisqu’elle est là, présente, à la fois pour clore et ouvrir (signifier) le monument.
Finalement, « ne sommes-nous pas là en train de parler d’un travail de sculpture ? Sculptures faites avec des images, des films, des mots, des évènements, des sons, dans lesquelles le spectateur d’art, dans ses déambulations, dans ses aller retours incessants serait le maillon essentiel pour que l’œuvre puisse avoir lieu. Rosalind Krauss parle de la sculpture comme  « une stratégie de la confrontation », et pour Carl André la sculpture idéale serait une route. » (1)

(1) Marc Giloux, Anon, le sujet improbable, notations, p 118, ed. L’Harmattan