A Milan, dans une usine abandonnée, a été aménagé un énorme espace d’exposition d’art contemporain. Il accueille des artistes de renommée internationale, toujours très attendus lors des journées d’inauguration. Il existe un espace éducatif réservé aux enfants, appelé l’Accademia dei bambini, qui propose des ateliers hebdomadaires et des activités gratuites animées par des enseignants, des pédagogues, des architectes et des artistes qui interviennent alternativement dans ces projets.

De cet ensemble architectural commandité par la Fondation Prada à l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, se dresse une tour dorée qui représente la partie la plus insolite du musée. Des hordes de visiteurs du monde entier se pressent à la recherche de  cet immense espace poussés par la curiosité de voir cette tour dorée, complètement irréelle et métaphysique, même en photo. L’histoire de l’existence d’une tour entièrement recouverte de feuilles d’or suscite chez ma fille de 4 ans l’attente et l’enthousiasme, l’émotion d’un lieu de conte de fées dans lequel vit une princesse tout aussi dorée.

Il existe de nombreux ateliers éducatifs pour les enfants dans les musées, selon un principe pédagogique conçu par Bruno Munari, des lieux pour vivre une expérience tactile, ludique, relationnelle.

La relation de l’enfant avec l’art contemporain est un sujet d’intérêt des neurosciences et des disciplines pédagogiques. De manière générale, par chance, il est bien évident que les enfants ont besoin de créer et de manipuler des matériaux sans en passer par le langage visuel à un âge précoce. Ils ont besoin de communiquer entre eux et développer leurs qualités et leur créativité par le jeu.
Le risque est que les tendances actuelles de l’art immersif et technologique et l’expérience de la réalité virtuelle puissent les éloigner du développement naturel de leurs capacités créatrices.
L’art immersif est un business qui se développe de plus en plus, œuvres environnementales qui interagissent avec les spectateurs, objets hors échelle, projections multimédias qui remplacent les œuvres originales; des structures gonflables géantes représentant le site archéologique de Stonehenge à l’échelle 1: 1, un projet conçu par l’artiste Jeremy Deller, les Sept Palais Célestes d’Anselm Kiefer, le luna-park  «intellectuel» de Carsten Holler, des expositions qui s’étendent jusqu’à l’addiction sensorielle de chacun d’entre nous.
Les œuvres d’art sont de plus en plus des mirages, l’expérience de la couleur devient une expérience de pixel, comme the Caravaggio Experience; des Factory sont créées, qui assemblent le travail de centaines de personnes au service de l’élaboration de ces événements hors norme, où le public est invité à interagir, mais ses réponses sont déjà prises en compte et prévues à l’avance.
Voici comment passer un dimanche insouciant en famille dans une surenchère de stimuli visuels…

Impossible d’échapper aux écrans géants et au marketing immersif, qui ne sont plus seulement utilisés dans les musées ;  les places, les gares, les façades d’immeubles accueillent aussi des installations et des projections immersives. Mais rien n’est perdu : même après avoir sombré dans ces “contenus”, avec une expression d’indifférence et le regard perdu dans le vide, pendant le temps que nous pouvons endurer, les pieds et les yeux engourdis et en observant les images virtuelles qui bougent autour de nous, nous parvenons tant bien que mal à nous positionner,  mais pas les enfants !
Une fois que l’enfant expérimente le monde imaginaire conçue pour lui, il y a un risque de lui faire prendre un chemin sans possibilité de retour.

Traduit de l’italien