Le figurant est « acteur de rien, indifférencié, privé de parole et d’action. Puisque le figurant figure, il n’agit pas.  Il est un pur décor humain, un homme-meuble ».

Dans les budgets de production des films coloniaux français des années trente, les salaires des « indigènes » qui servaient de figurants,  étaient d’ailleurs portés dans la colonne « décor » et non dans la colonne « acteurs »…

Ce que l’on demande à un figurant, est-il écrit sur les sites de figuration,  «… c’est de figurer et d’être le plus naturel possible, c’est d’être passe-partout, c’est de rester vous-même ». Pour devenir un bon figurant, il faut avant tout oublier la caméra et éviter le regard de la star.

Il n’est pas nécessaire d’avoir de l’expérience ou une compétence particulière. Ce qui compte c’est que votre âge, votre « look » ou un talent particulier corresponde à ce qui est recherché par les chargés de figuration.

Ainsi, la fonction du figurant, en tant que « décor-humain » est d’apporter son invisibilité, son insignifiance, son mutisme et son indifférence, à la crédibilité de la scène. Sa présence anonyme mettra en perspective celle de l’acteur, son image, sa signifiance, sa singularité, sa parole et ses actions. Le figurant est l’homme sans qualité de l’acteur.

Ce n’est pas le costume qui doit habiller le figurant, c’est le figurant qui doit entrer dans le costume. Dans certaines productions, le nombre d’habits est parfois limité. Sur un tournage à Cinecitta, si la costumière ne trouve pas de costume à sa taille, le figurant est remplacé par un autre. Le figurant est le mannequin qui valorise le costume, qui valorise le décor, qui valorise la mise en scène.

Les noms du figurant : Au XIXe, les figurants, souvent cantonnés à des rôles de soldats, étaient appelés hallebardiers. Les figurantes de revues ou de ballets étaient appelées porte-maillots ou marcheuses. Légèrement vêtues elles constituaient, sous l’alibi d’une présence purement décorative, un élément érotique très prisé par les spectateurs masculins.

Le nom du figurant s’écrit en politiquement correct : en français acteur de complément, en anglais, le terme Extra devient Background actor, en persan, « Siahi-Lashgar, qui signifie péjorativement troupe noire, devient Honarvar, qui a trait à l’art. L’allemand et le suédois se contentent d’utiliser le terme « Statist », du latin Stare, qui est debout.

Le figurant de Playtime, en 1967, va prendre la pleine mesure du mot, statique. Comme à Marienbad, le figurant d’aéroport est parfaitement immobile, à peine en mouvement. Mais la standardisation à l’œuvre dans Playtime va le conduire à la pure et simple duplication photographique. La photographie, chez Tati, s’affiche en papiers peints collés sur les décors, en portraits encadrés et accrochés aux murs, puis en découpe de figurants contrecollés à l’arrière-plan. Jacques Tati effectue la mutation radicale de l’immobile accessoire qu’est le mannequin. Le figurant en deux dimensions prend la taille imposée par la construction perspective de la scène.

Le figurant se modernise, il croit en nombre et paradoxalement se raréfie. La course de chars de Ben-Hur, en 59, en réunissait 8 000 et la scène des funérailles de Gandhi, en 82, près de 300 000. Mais le comble du figurant, c’est le copié-collé : Titanic ou Forrest Gump réunissaient des groupes d’environ 200 figurants, filmés puis multipliés numériquement, afin de recréer des foules de plusieurs milliers d’individus.

Bibliographie des citations :
– Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants, De(s)générations n°09 , Ed. JP. Huguet, 2009
– Jacqueline Nacache, L’acteur de cinéma, Ed. Armand Collin, 2005
– Michel Foucault, Archives de l’infamie,  Ed. Les Prairies Ordinaires, 2009
– Siegfried Kracauer, De Caligari à Hitler : Une histoire psychologique du cinéma allemand, Ed. l’Age d’Homme, 2009
– Interview de Santiago Sierra par Theresa Margolles, http://www.bombsite.com/issues/86/articles/2606
– Xavier Vert, Figure, figurants,  De(s)générations n°09, Ed. J.P. Huguet, 2009

http://christiane-carlut.fr/videolegende.html