Considérant :

  • premièrement les prévisions sur la situation politique et l’état du monde
  • deuxièmement qu’il vaut mieux paraître informé et engagé que lucide et en retrait, autrement dit croire en une solution plutôt que pas.
  • enfin qu’un minimum de compromis est nécessaire pour vivre avec ses semblables,

l’apprentissage d’un code langagier de survie en société est indispensable.

Il convient à toutes situations générant débats et discussions dont le milieu artistique tout comme le milieu politique est friand.

Il n’a pas besoin d’être intelligible car il ne mobilise pas l’intellect, mais simplement compréhensible au sens où il peut être immédiatement décrypté et considéré comme inoffensif.

Il peut se réduire à quelques onomatopées marquant l’approbation ou la désapprobation avec conviction et à des moments précis – bien choisis dans la conversation – pour appuyer le verbe de tel ou tel orateur présent.

L’objectif étant de traduire l’intérêt et une participation active même si elle n’est que de façade, y joindre un panel de mimiques faciales puisées dans un éventail d’expressions allant de l’étonnement à l’horreur, du contentement au mépris et reflétant les propos énoncés par ailleurs.

 

Ce code offre à celui qui l’utilise certains avantages – observer les courants dominants, les rapports de pouvoir, les tactiques souterraines, les manœuvres faisant et défaisant les alliances au détour d’une idée ou d’un mot habilement placé et suffisamment porteur (de quoi ?), les intonations forçant la conviction, les trémolos dans la voix, tous les flux qui traversent et agitent une assemblée – sans offrir de prise. Il permet d’économiser une énergie qui serait perdue d’avance si elle était investie dans la bataille. Il favorise les pauses intérieures et les décrochements, ceux où la pensée vagabonde et quitte la pièce pour trouver des lieux plus agréables, une compagnie choisie et des centres d’intérêt personnels. De surcroît il donne une portée particulière à la voix de celle ou celui qui d’ordinaire le pratique lorsque, exceptionnellement, elle sort de cette « basse fréquence ». Et quand bien même la saillie serait hors de propos, elle offre un curieux contrepoint, inattendu, une sorte d’ouverture sur un hors champ bienfaisant qui introduit dans le débat au pire un point de vue supplémentaire rapidement assimilé, au mieux une diversion.

Le seul risque, tout bien considéré, est d’atterrir à côté, de ne pas retomber sur ses pattes et d’être ainsi repéré.

Si rien ne transparait et que l’on reste coi, domine la satisfaction de ne pas avoir cédé aux besoins de l’égo, celle de ne pas avoir ajouté au brouhaha ambiant et d’avoir, en un point de l’espace, essayé d’équilibrer l’ensemble.