Connaissez-vous le DK Zattere ? Le sigle correspond à Dom Kultury qui signifie en russe Maison de la Culture. Ce nouvel espace d’art contemporain ouvert depuis 2017 à Venise est une succursale de la V-A-C Foundation, fondée en 2009 à Moscou par Leonid Mikhelson, un des hommes les plus riches du monde, propriétaire de la multinationale Novatek, le plus grand producteur privé de gaz et Teresa Iarocci Mavica, spécialiste d’art et de culture russes.
Décidément Venise depuis quelques années devient le siège privilégié des Fondations d’art contemporain, le “Must-have” pour employer un terme à la mode, autrement dit si tu es millionnaire, le fin du fin est d’avoir ta fondation à la Sérénissime.
Après la classique Fondation Guggenheim, les espaces prestigieux de François Pinault à la Punta della Dogana, au Palazzo Grassi, et au Teatrino où se succèdent rencontres avec des artistes de la scène internationale, conférences, concerts, performances etc., après la Fondation Prada, voici à présent le DK Palazzo Zattere de la V-A-C Foundation. Au total, 1000 mètres carrés d’espace d’exposition, et autant en superficie pour un restaurant, Sudest 1401, géré par un réfugié afghan Ali Rezai, un bookshop, une salle de conférence et quatre appartements destinés à accueillir des artistes et curateurs en résidence.
Le but de la fondation ? Promouvoir la culture contemporaine, en envisageant ces espaces comme des lieux vivants de rencontres avec le public. Projets d’expositions, publications, workshops gratuits et ouverts au public, performances et concerts gratuits également, projections cinématographiques entrée libre. La politique de la fondation est aussi attachée à l’aide communautaire et sociale, le restaurant Sudest 1401 en est une concrétisation.
Du 26 novembre au 24 mars 2019, quatre mois d’événements culturels diversifiés qui reprennent la vocation des Maisons de la Culture si populaires pendant l’époque soviétique. Voici donc un nouveau concept d’exposition, celui d’offrir à un public vénitien, italien et international, des activités assez pointues, dans une fondation de type centre d’art où on peut voir des films, faire du yoga, rencontrer des artistes, réfléchir sur les nouvelles migrations et autres thèmes tournant autour de l’interculturalité.
Pour le mois de janvier l’espace a proposé une rencontre avec le collectif littéraire italien Wu Ming à l’occasion de la sortie de leur nouveau roman Proletkult. Mais encore un concert performance d’un duo de percussionnistes CZN, des workshops sur des projets éditoriaux, une programmation de films sur le thème Communautés et Migrations dont la qualité et l’originalité n’ont rien à envier aux meilleures salles d’art et d’essai. Les événements se poursuivront ces prochains mois…
On peut se questionner et débattre sur le rapport entre l’Art et l’Argent, l’art deviendrait-il un enjeu économique rentable politiquement correct ? Après tout ne vaut-il pas mieux que les millionnaires investissent dans l’art plutôt que dans les armes? Tout ceci n’est pas nouveau, les magnats de la Renaissance se faisaient construire des palais, des chapelles, employaient à leur service les meilleurs artistes de l’époque pour se garantir gloire et éternité. Aujourd’hui l’enjeu est plus subtil, il ne viendrait plus à personne de s’autoglorifier en se faisant ériger des statues ou des mausolées (sauf si on est un dictateur). Leonid Mikhelson l’a bien compris, il faut au contraire jouer la carte de la philanthropie.