Immanquablement, l’histoire, lorsqu’elle est portée au cinéma (ou ailleurs) devient commémorative. Elle porte et développe les aléas de sa vérité subjective sur des images fabriquées à des fins de propagande et de sensiblerie parfois nauséeuse. Le dernier film de Marco Bellocchio « Rapito » (l’enlèvement) fait partie de ces films « historiques » qui ne dérogent pas à la règle. Stéréotypé, un peu fourre-tout, (papauté et règlements de compte entre religieux de tous bords se disputent l’apanage de leur imbécilité dans une Italie soumise aux desiderata des papes de l’époque, nous sommes en 1858) on est obligé de se poser la question du pourquoi de la présence d’un tel film en 2023. Réactualiser un moment précis de l’histoire d’un pays peut sembler a priori nécessaire, peut-être pour affiner ou corriger un flou ayant échappé à la vigilance de certains censeurs, pour prévenir démontrer réaffirmer que les choses se répètent et qu’un certain danger x ou y est à prévoir, que sais-je ? Se servir du passé pour construire une œuvre quelle qu’elle soit me semble d’une hypocrisie évidente sachant que l’œuvre ne sera que la répétition illustrative d’un fait établi depuis longtemps. Le journalisme historique revisité par les médias en tous genres serait-il une excuse et un prétexte pour faire une œuvre, d’art en l’occurrence ? Vu sous cet angle le cinéma appelé communément le 7ième art a bien du mal à résister.
Pour revenir au film de Bellocchio, ce qui m’a frappé c’est la forte présence formelle du pape qui donne au film cet aspect presque grotesque et caricatural. Il est vrai que la présence papale au cinéma n’est pas nouvelle. Ce nouveau genre de super héros, de surhomme en robe blanche irréprochable, sachant s’adresser aux peuples dans toutes les langues, chargé d’une mission absolue, même si on ne voit pas trop la finalité de cette mission, en fait un leader à part entière.
On dirait que le XXIème siècle – et dans une moindre mesure le XXème – se sont donné le mot pour mettre en avant cette star incontournable, cette icone oubliée, dixit ces films notoires comme Amen de Costa Gravas en 2002, Habemus Papam de Nanni Moretti en 2011, Le Pape François de Wim Wenders en 2018, ou Les deux papes de Fernando Meirelles en 2019. Et pas seulement au cinéma puisque la peinture a souvent décliné aussi cette référence ecclésiastique comme modèle absolu. Les 45 portraits de papes peints, disons de manière soutenue, par Francis Bacon à partir du célèbre Innocent X de Vélasquez en est un exemple étonnant. Mais aussi l’exposition à Manheim en 2005 du peintre chinois Yang Pei-Ming qui juxtaposait des portraits de Bruce Lee, de Mao Zedong, de prostituées et de papes ! Plus près de nous le Cattelan national récidive avec la Nona Ora, qui représente le Pape Jean Paul II écrasé par une météorite. On retrouve ce travail exposé comme point d’orgue à la Collection Pinault (l’autre pape médiatique de la culture) de Venise pour la dernière exposition intitulée « Icones ». Le récipiendaire papal ne manque pas de saveur ! Doit-on voir cela comme un retour à l’ordre de la saveur vintage et qui doit être reconnu et facilement lisible ? par le plus grand nombre ? comme quoi le populisme papal n’a pas dit son dernier mot.