Au-delà du fait des petits sachets de sucre relookés pour l’occasion par l’artiste bolonaise Eva Marisaldi que vous pouviez instiller dans votre tasse de café au bar de la Foire d’art contemporain ArteFiera de cette bonne ville italienne de Bologne, nonobstant le stand olé-olé intitulé judicieusement « Champagnerie » où en toute quiétude vous aviez la possibilité d’expérimenter et déguster les grandes (que dis-je les incontournables) étiquettes hyper classes des champagnes français, du Brut Champagne Cuvée Blanc De Noirs 1er Cru Gonet-Médeville, au Champagne Apollonis Michel Loriot Théodorine Rosé Brut, en passant par l’extra Brut de Roger Leroy ou le Canard-Duchêne Cuvée Léonie Rosé et j’en passe, la liste complète des champagnes n’est pas le propos de cet article, il n’en reste pas moins que cette 44ième ArteFiera de Bologne méritait le détour. Pour le flâneur que je suis, le plaisir de déambuler sans idées préconçues sur la marchandise, un air d’insouciance, presque de bien-être et de désinvolture, m’a suivi tout le long des stands chichement aménagés avec prudence et compétence par les organisateurs donc les galeristes donc les artistes, d’où des œuvres d’art qui pouvaient être tranquillement reluquées sous toutes les coutures. « Point trop n’en faut » était la règle de cette manifestation puisque l’exposition pour chaque stand était limitée à 3 artistes maxi, avec un fort pourcentage de peintures historiques italiennes (le made in Italy reste très prisé, mais qui s’en plaindrait, avec entre autres les inoxydables Fontana, Balla, Chirico, ou des moins plébiscités comme Dorazio, Radice, Prampolini, Novelli) permettant d’établir un dialogue subtil entre le moderne et le contemporain, avec une continuité entre le passé et le présent actuel. Ben oui chers lecteurs.trices l’art contemporain n’est pas tombé du ciel un beau jour de novembre, il est fait par des suiveurs, des opportunistes, des copieurs, des dissimulateurs, mais aussi par des observateurs avisés, des aventuriers, des contradicteurs critiqueurs-critiqués, et dieu merci pas souvent par des petits angelots puceaux et pubères, or donc ce mélange de points de vue et de stratégies somme toute riches et controversés font que l’art contemporain est ce qu’il est. Chaque artiste est toujours en recherche de quelque chose d’autre, soit pour complexifier son œuvre, soit pour l’enrichir ou la simplifier, « y rajouter un élément rétrograde, introduire quelque chose du passé, une certaine nostalgie de l’avant-garde, de l’expressionnisme, de l’art avant Warhol et ses concessions à l’ultime fantasme du consommateur, du monde avant les Campbell’s Soup. » (1) Une œuvre d’art n’est pas quelque chose de droit et de rectiligne, pour se revendiquer il doit être un clash permanent subsumant un rien de particules négatives et entretenir un bras de fer de bon alois avec l’establishment en vogue !  Mais pour revenir sur cette idée de dialogue entre moderne et contemporain, entre passé et présent, le stand d’une galerie anglaise de Londres, la galerie Arcade, exposait un artiste américain de Los Angeles, John Finneran, dont le travail de peinture était tout à fait caractéristique de cette histoire des influences faisant jongler l’artiste avec ce qui fut et ce qui est, en mettant l’accent l’air de rien sur les échanges fructueux entre Europe et Amérique sur ces, disons 50 dernières années. Cinq ou six toiles de moyen format étaient exposées dans l’espace du stand en question,  laissant deviner de-ci de-là un mélange hétérogène de propositions géométriques et d’éléments figuratifs. Matisse flirtant avec Keith Haring ou William Copley sur fond d’abstraction à la Ad Reinhardt ou à la Frantisek Kupka, le tout dans une sobriété coloristique proche d’un Poliakoff ou d’un Philip Guston pour la forte présence du rose ! Tautologie de la peinture, ou la peinture par elle-même, même… De plus les dernières peintures de l’artiste représentent des murs peints avec briques apparentes comme les dessinent les enfants, pour dire qu’une peinture n’est pas plus qu’un mur puisqu’elle s’accroche en général sur un mur…
Amalgames fortuits ? Revival postmoderniste ? Regarder une peinture (une œuvre d’art en général) réalisée aujourd’hui reviendrait-il à faire un inventaire des influences, des sources qu’a utilisées le peintre, de manière consciente ou non ?
Une peinture (une œuvre d’art en général) aujourd’hui serait comme une grille de mots croisés, trouver les mots qu’il faut, les agencer correctement entre eux et en garantir le sens.
L’histoire appartient à tout le monde (comme les ready made (2)) ou plutôt n’appartient à personne en particulier. « Nous souvenons-nous des sources de nos propres idées, de nos propres paroles ? Elles viennent de quelque part n’est-ce pas ? » (3)

j.f. Yorobietchik
Février 2020

 

(1) (3) Siri Hustvedt, Un monde flamboyant, Babel, 2014

(2) Les ready made appartiennent à tous le monde: En décembre 1987, à la Cable Gallery à New York, l’artiste français Philippe Thomas (1951-1995) ouvre sa première agence à laquelle il donne le nom « readymades belong to everyone® ». Cette ouverture est suivie en septembre 1988 par la création d’une filiale française à Paris, à la galerie Claire Burrus, filiale dénommée « les ready-made appartiennent à tout le monde® ». Les ready-made appartiennent à tout le monde® est une agence de communication et de production d’événements qui propose des services. Conséquence la plus immédiate : l’artiste — ses nom et prénom — disparaît ici comme signataire de l’activité artistique au profit d’une qualification impersonnelle de cette dernière (MAMCO, Genève, archives 2016/17)