Le Pavillon de Hong Kong avait déjà retenu toute mon attention lors de la dernière biennale d’Art de Venise (se reporter à l’article daté de décembre 2017 Songs for desaster relief sur l’artiste chinois Samsung Young). Il ne déçoit pas non plus cette année pour la 16ème biennale d’Architecture. Il s’agit d’un projet collectif : 100 architectes chinois proposent chacun un projet pour une tour d’habitation.
Vertical Fabric : Density in landscape, Hong Kong in Venice
Les lieux, la cour extérieure et les salles du pavillon sont occupés par des colonnes blanches à base carrée de 40 X 40 cm toutes identiques et d’une hauteur d’environ 2,20 mètres. Le socle et la maquette ne font qu’un, l’une étant le prolongement de l’autre.
S’y développent à la verticale et défiant les lois de la pesanteur et de l’équilibre des espaces urbains : jardins suspendus, square, lieux de déambulation, logements, magasins, centres culturels, parking, tout ce qu’on peut attendre d’une ville, se déployant sur plusieurs étages. Tout y est ouvert au regard des visiteurs transformés en géants-voyeurs. Les appartements forment des cubes, ou des boîtes, tels des jeux de constructions, qui s’empilent les uns sur les autres. Les zones vertes, dont les arbres, les pelouses, les plantes ont été conçus pour pousser et se développer en hauteur, coincés dans de la matière morte, béton, plastique, verre, ces zones vertes donc, nous offrent une version du troisième type de la promenade à la campagne ou du déjeuner sur l’herbe. Il s’agirait plutôt d’une ascension champêtre par escaliers, escalator ou ascenseurs. Il en est de même pour aller faire ses courses, le marché se développe verticalement, les échoppes remplaçant les balcons sur les façades, accessibles seulement par ascenseurs extérieurs. C’est à la fois fascinant, on se prend au jeu de cet urbanisme vertical, et terrifiant lorsqu’on prend conscience de l’omniprésence du vide. Bizarrement cet univers tout en verticalité ressemble à la vision moyenâgeuse que l’on avait du monde. Une surface plane au bord de laquelle il était dangereux de s’aventurer sans risquer de tomber dans un vide sidéral. Un disque redevenu plat, comme avant Galilée ? il y a un peu de cela dans cet empilage de surfaces planes sans aucune barrière de sécurité. On peut supposer qu’il appartient à chacun de devenir un sujet bien discipliné et de ne pas enfreindre les interdits, de respecter les règles du jeu, sans quoi c’est le gouffre, la chute mortelle sur le sol situé à plusieurs centaines de mètres en dessous.
Terrifiant aussi car la perception de notre espace/temps s’en trouve totalement chamboulée, nous entrons dans une autre dimension, la quatrième. Et la frontière entre la fiction et notre réalité devient de plus en plus ténue. C’est le monde imaginé par Christopher Nolan dans son film Inception où il est possible de faire basculer les villes, les lieux, à la verticale, provoquant un glissement spatio-temporel où les réalités s’emboitent, s’ouvrent ou se referment comme des tiroirs.
On peut alors se demander quel serait l’impact sur notre psychisme, notre équilibre, nos sens, si nous étions amenés à nous déplacer d’un point à un autre non pas de gauche à droite, ni du nord au sud à partir d’une surface horizontale mais de haut en bas.
Hong Kong détient le record en nombre des tours d’habitations de plus de 150 mètres de hauteur : 317. Hong Kong compte 7 millions d’habitants dont plus de la moitié vit dans des tours.
Peut-être les Asiatiques ont-ils plus de propension à ce changement. Après tout leur écriture se lit aussi bien de gauche à droite que de haut en bas. Leur façon d’appréhender le temps aussi, pour un Chinois le passé est en haut, le futur est en bas. Hier est en haut, demain en bas. Mais après tout notre mode de datation ne rejoint-il pas cette conception-là du temps lorsque nous parlons par exemple du Haut moyen-âge et du Bas moyen-âge ? Est-ce un plongeon dans le futur ou un retour aux origines ?
Nous entrons dans la matérialisation de l’imaginaire. Qui sait ? Dans cinq cents ans, le rêve le plus fou consistera peut-être à concevoir un monde de plain-pied, Ground 0.