Performance Repose pose pose de Rémi Uchéda avec Cléo Laigret dans l’espace Plateforme à Paris durant le vernissage de l’expo intitulée I’m Easy to Please, le 21/02/2020

Soudain deux performeurs s’activent et s’abandonnent dans des postures corporelles de contrainte (l’un appuie son crâne contre un angle du mur et demeure immobile raidi dans une position oblique) ou de mollesse (l’autre s’affaisse dans un coin de mur dans une position assise). Pendant près d’une demi-heure ces deux corps évoluent dans l’espace de la salle, alternant des états de fatigue où le corps se laisse vaincre par la pesanteur et glisser sur le sol, et des états de résistance lorsqu’un corps en supporte un autre. Les corps s’étirent, se compriment, glissent, s’amollissent, se raidissent, se plaquent le long des surfaces qu’ils touchent comme pour mesurer l’espace, ou pour se mesurer à celui-ci et aux formes qui l’entourent : ils interagissent avec les autres oeuvres présentées, (une forme géométrique solide et anguleuse de taille humaine, des formes en caoutchouc élastiques, un tatami, des lames de patins à glace) les manipulent comme des objets absurdes ou inconnus, pour tenter d’en appréhender les limites et la fonction.
Plus le processus de malléabilité du corps se poursuit entre mouvements de fatigue et de contrainte répétés, plus son caractère instable nous apparait, jusqu’à faire ressortir l’hétérogénéité de cette matière corporelle organique qui tente par tous les moyens de s’agripper ou d’adhérer aux choses inanimées mais ne parvient jamais à établir un contact stable ou durable. Le corps perd peu à peu sa fonction sociale, civilisée, pour se réduire à de la simple matière informe, amibique, qui adapte sa consistance semi-molle aux surfaces rigides qu’elle rencontre. Processus d’osmose impossible qui met à l’épreuve le point de rupture de l’intégrité corporelle face aux contraintes matérielles des objets extérieurs. Réminiscence de Configurations corporelles, la série célébrissime de Valie EXPORT où elle adapte son corps aux formes dures de l’espace urbain ? Bel hommage au body art des années 70 : comment ne pas évoquer également les actions de Dennis Oppenheim comme Parallel Stress où l’artiste retient son corps par les extrémités sur deux murs en maçonnerie, l’abandonnant à une force de gravité insoutenable. Corps gravitaires certes, corps nostalgiques peut-être.