L’excellent programme de la saison 2023 du Centrodarte23 et du Centro d’Arte degli Studenti dell’Università de la ville de Padoue est significatif d’une dynamique novatrice des concerts de musique contemporaine proposés dans cette ville du nord de l’Italie. Les tendances les plus récentes pour ce qui concerne les langages et pratiques musicales se succèdent depuis le début de cette année avec la présence d’artistes comme Jim O’Rourke et Eiko Ishibashi, le quintette Tellkujira, ou encore le concert performatif d’Aleksander Kolkowski.
Compositeur, violoniste, chercheur et archéologue des médias sonores, le travail d’Aleksander Kolkowski oscille entre musique contemporaine et improvisation, performance et, n’ayons pas peur des mots, spiritisme. Dans cette magnifique salle historique post renaissante Sala dei Giganti (salle des géants) le concert de ce praticien hors norme nous invitait à découvrir toute une gamme de sonorités incongrues, archaïques, décousues, maléfiques ! Performance mécanico-acoustique, les instruments utilisés pour la circonstance se limitaient à des gramophones à manivelles et des phonographes Edison, combiné avec un violon emblématique appelé Stroh, inventé à la fin du 19 ième siècle où le son est mécaniquement amplifié avec une corne métallique tout comme la corne d’un gramophone. Wireless (le titre de la pièce du concert) du point de vue même de l’artiste, se veut être une riposte personnelle aux pratiques musicales digitale actuelles. Plutôt que d’utiliser des ordinateurs, des haut-parleurs et des fils électriques, Kolkowski utilise un matériel obsolète comme des cylindres de cire et des disques 78 tours d’époque. La performance, largement improvisée, ressuscitait l’esprit de la reproduction mécanique de la fin du 19 ième siècle à travers une pratique musicale indiscutablement contemporaine, faisant converger l’homme et la machine en une esthétique poétique étrange et surnaturelle. En effet ces sonorités venues de l’au-delà déportaient notre conscience dans un substrat confus où les messages sonores et les mélodies quasi incompréhensibles se jouaient de notre temporalité d’homme moderne pour nous promener dans des chemins de traverse où spectralité et spiritisme étaient bien là pour nous dire que la musique n’a plus rien à faire avec la matérialité de notre temps.