En consultant les informations diverses et variées via le web qui vous parviennent sur votre smartphone vous avez peut-être remarqué cet incipit magique inscrit en fin de message, voir la traduction.
En effet le contenu de ces messages qui vous arrive de la Chine, du Japon, de la Corée ou d’une provenance anglo-saxonne ou moyenne orientale s’affiche dans sa langue d’origine. Un petit click sur voir la traduction et vous voilà rassuré ou surpris de pouvoir lire et comprendre en un temps record dans votre propre langue ce qui se cache derrière ces écritures parfois incompréhensibles. On remerciera les traducteurs automatiques qui, même si la traduction n’est pas de grande qualité, nous permettent bon an mal an de comprendre la globalité du contenu du message. Justement, à propos de qualité, cette histoire de traduction devient tout à fait intéressante. Le passage d’une langue à une autre, qu’elle soit traduite automatiquement ou non, n’est pas une mince affaire. On pourrait l’illustrer aussi de cette façon : le passage de quelque chose qui va être transféré d’un endroit à un autre comporte donc, disons pour aller vite, quelques risques. J’aime beaucoup cette petite chose d’un des traducteurs de l’écrivain américain John Ashbery, Guy Bennett qui dit, « quand on déplace un bol d’eau de l’évier à la table, il se peut qu’un peu d’eau se renverse et se perde. Quand on traduit un poème, il se peut qu’un peu de poésie se renverse et se perde. La tâche du traducteur : perdre le moins d’eau possible… ». On peut toujours penser que ce qui se renverse n’est pas perdu pour autant ! c’est peut-être justement dans ce qui n’est pas pris en compte que les choses les plus intéressantes sont à prendre en compte.
Comme le disait l’artiste Mel Bochner, Language Is Not Transparent. (1) Il a tendance à s’exprimer dans toute son opacité, et en toute liberté…
Comme quoi le langage lorsqu’il en passe par des machines peut nous surprendre.

J’ai recopié tels quels ces bouts de textes reçus sur mon smartphone, ils  ont été traduits automatiquement en français, la langue originale était le coréen, le chinois, l’italien, l’anglais.

« j’y vais souvent avec un corps fatigué à chaque fois que je passe par le couloir du hall premier étage où j’entre tous les jours, mais le hall est magnifiquement rempli de couleurs diverses, donc je regarde étrangement en arrière avec le confort de mon esprit. Quand je suis fatigué et en difficulté, je pense que la route vers le travail après le travail n’est pas grise mais reconnaissante. J’ai vécu en 2022 avec une petite mais grande gratitude. C’était une année où je me suis sentie reconnaissante de pouvoir arriver ici après avoir dépensé mon énergie de la nouvelle année aux vacances. Même si je n’ai pas eu assez de repos pendant ma pause, je suis reconnaissant pour la délicieuse nourriture et le temps passé avec ma famille et mes amis sans soucis, et les diverses rencontres et les nouvelles personnes. Cette année, tout comme l’année dernière, je vous souhaite d’être une personne forte, de partager votre cœur là où vous avez besoin d’être, de dormir heureux chaque semaine et de vous réveiller chaque semaine, et de partager votre cœur là où il est nécessaire. »

« Venice offrira désormais plus d’options aux clients lors de la location de nos bateaux électriques auto-conduite. Les invités peuvent maintenant avoir une expertise en voiture pour 2 heures ou jusqu’à 8 heures. »

« Tant de belles choses sont une grande salutation, une bonne intention et présomptivement parlant c’est aussi la mise en scène d’une tentative de les rendre belles. »

« Tout ce qui est jeté à l’intérieur d’un stand Art Basel prend automatiquement une valeur artistique. La qualité n’est plus nécessaire parce que très peu de galeries, très peu de conservateurs et quelques « tout-faire » décident ce qui mérite valeur/prix et ce qui ne l’est pas. En Italie, la perte des bords critiques, combinée à une certaine prédisposition à créer des familles fermées et des clans mafieux, fait du monde de l’art un petit régime provincial. »

« Nous réaliserons une brève interview sur l’auteur et une introduction aux œuvres passées ensemble. »

« Le cours de pop art est si charmant… La fraicheur est délicieuse. »

« S et moi n’avons pas été dans un autre pays que chez moi depuis longtemps. En plus de boire un verre avec F ! Nous sommes mariés et ne pouvions pas profiter des armes ou des boissons, alors nous avons aimé nous promener en ville et quelques heures à la maison. Parfois, j’ai l’impression que le temps de se rencontrer, de parler et de rire est aussi significatif. »

« En s’arrêtant sur la route, un taxi frappe par derrière, et les carreaux sur le mur me tombent dessus. Que dois-je faire ? »

« Il était une fois, j’ai montré une vidéo de Yukiguramoto et j’ai montré à X que c’était sa vidéo préférée. C’était une vidéo de concert en direct de la Country Road sur une chaine. De l’aube bleue au coucher du soleil, un grand piano à queue est assis au milieu d’une voiture, pas d’un lieu de concert, au milieu du champ d’orge qui est tombé à cause des dégâts des eaux, et Yukiguramoto joue. Il y a 7 ans, Lake Cruise, quand j’avais 25 ans, jours de voyage libre dans les Rocheuses Canadiennes, j’ai découvert que ce chef-d’œuvre était sa chanson et j’ai appris à le connaitre. »

« Les œuvres résident dans les créateurs. Je peux sentir la chaleur et la chaleur dans son bronzage. J’ai aimé la façon dont il a dit merci pour chaque chanson, la façon dont il a posé un lapin avec lui et la façon dont il faisait un son de lapin. C’était mignon, gentil et chaud. »

Etc.

Et comme le dit fort justement Nietzche : « nous écrivons non seulement pour être compris, mais aussi pour être incompris. »

 

(1) « A l’époque je réfléchissais à ce présupposé problématique du conceptualisme, qui était de croire qu’en passant du visuel au linguistique on créait un lien direct entre l’esprit de l’artiste et celui du spectateur. Pour moi c’était aussi absurde que cette croyance de l’expressionnisme abstrait selon laquelle une coulure ou un coup de pinceau établissait un lien direct entre les émotions du peintre et celle du spectateur. Langage Is Not Transparent était un travail très contextualisé, dont l’intention était d’attaquer certain des fondements idéologiques de l’art conceptuel. Il est intéressant de voir que 40 ans plus tard ce travail a encore un sens en dehors de son contexte premier. »
Mel Bochner in Une traduction d’une langue en une autre, les presses du réel, 2014

  • Image de présentation : Mel Bochner, Blah, Blah, Blah, 2011