Ouverture au mois de janvier d’une nouvelle antenne à Paris de la Galleria Continua, expo « Truc à faire », commissaire JR.

La Galleria Continua a choisi de situer son nouvel espace d’exposition dans de vieux bâtiments parisiens, rue du Temple, ayant appartenu à un grossiste en maroquinerie. Le commissaire et artiste JR, conjointement avec les galeristes, pour cette exposition inaugurale intitulée « Truc à faire », a fait le choix scénographique de ne pas transformer l’espace en un white cube classique quelque peu rébarbatif, celui auquel on est habitué. Au contraire le corpus d’artistes exposés, composé entre autres de Ai Weiwei, Daniel Buren, Anish Kapoor, Anthony Gormley, Ilya Kabakov, Carsten Holler, s’est dispersé en investissant des étagères et autres mobiliers de stockage de marchandises issus de l’activité commerciale précédente : leur fonction a été réhabilitée pour abriter des œuvres de petite taille ou des catalogues d’exposition, de même que toutes sortes de produits alimentaires artisanaux en lien avec la gastronomie italienne, on pouvait voir notamment des paquets de pâtes multicolores ou des Chianti 2015 rationnellement alignés selon une disposition en grille, produits destinés réellement à la vente outre leur fonction scénographique à part entière, et qui côtoyaient par exemple les boîtes de conserve Jamaican smile de l’artiste Nari Ward. Le domaine de l’art et le domaine de l’alimentaire se sont interpénétrés avec celui du livre : la zone normalement destinée au book shop et séparée de l’espace d’exposition a été ici incorporée, a été en un sens « éclatée » sur les deux étages de la galerie, de sorte que nombre d’étagères remplies d’ouvrages sont venues créer une diversion supplémentaire par rapport à la présence des œuvres. Autre particularité de mise en scène, l’espace d’exposition se déploie de manière à créer un véritable cheminement labyrinthique pour le spectateur, qui s’engouffre dans les couloirs et s’arrête dans les différentes petites pièces, ce qui crée un cadre plus intime dans sa relation aux œuvres, et beaucoup moins officiel et solennel comme c’est le cas dans les espaces des grandes galeries.

Ce côtoiement de plusieurs domaines d’activité qui vient casser l’austérité qui entoure souvent le domaine de l’art contemporain fait penser fortement à la politique de diversification culturelle adoptée par la chaîne de librairies italiennes librerie.coop, qui présentent également des produits alimentaires et proposent une activité de restauration sur place. Le théoricien américain Frederic Jameson dans sa pensée du post-modernisme évoque notamment cette importance, dans le domaine de la culture, d’espaces où les critères de haut et de bas, de scientifique et de populaire, se mélangeraient pour dépasser la traditionnelle séparation entre les secteurs d’activité. La Galleria Continua aurait-elle colporté en France ce concept typiquement italien du « mélange des genres » ?